Découvertes      

D'ambitieux desseins. Le 25 juillet 1415, une flotte de plus de 200 navires quitte Lisbonne, commandée par le roi D. Jão Ier et trois de ses fils dont l'Infant Henrique . Par la prise de Ceuta, les Portugais mettent fin aux actes de piraterie barbaresque sur leurs côtes, ils s'assurent le contrôle du détroit de Gibraltar et espèrent obtenir à prix avantageux l'or et les esclaves du Soudan. L'esprit de croisade n'est pas complètement étranger à cette lutte qui oppose les chrétiens et les musulmans. En abordant l'Afrique, les Portugais voudraient faire la jonction avec le royaume chrétien du Prêtre Jean (l'Éthiopie), qui, dit-on, se trouve au-delà des contrées islamiques. 
          Par ailleurs le sentiment qu'il existe des terres à découvrir et que l'on peut "faire reculer les bornes du monde" préoccupe les esprits de l'époque. Dans cette fin du Moyen Âge, la richesse appartient à ceux qui ont le monopole du commerce des épices et des parfums provenant d'Extrême-orient. Or ce commerce est aux mains des Maures qui contrôlent le passage des caravanes entre le golfe Persique et la Méditerranée et ensuite de la République de Venise. Pour les éviter, il faut trouver une voie maritime, Henri le Navigateur va consacrer sa vie à ce rêve. 


  L'école de Sagres. L'Infant Henrique (1394-1460), surnommé Henri le Navigateur, se retire sur le promontoire se Sagres et là, entouré de nombreux cosmographes, cartographes et navigateurs, il essaie de trouver une route maritime directe qui relie l'Europe aux Indes ; l'idée de contourner le continent Africain par le sud germe déjà dans son esprit. Il fait appel à des navigateurs expérimentés et leur demande à chaque voyage de pousser  plus avant vers le sud : l'île de Madère est découverte en 1419, les Açores en 1427 ; en 1434, Gil Eanes franchit le cap Bojador ; c'était alors la limite du monde connu. Pour assurer le succès des expéditions, l'école de Sagres met au point la caravelle et perfectionne les instruments de navigation. Sur chaque nouvelle côte découverte, les marins plantent un "padrão", sorte de borne, portant la croix et les armes du Portugal. Et surtout ils assurent les relations commerciales. L'Infant Henrique inaugure de nouvelles méthodes de colonisation : la "feitora", factorerie ou comptoir (établissement de commerce ou de banque fondé par des particuliers qui parfois a donné naissance à des viles indépendantes du pouvoir local, comme Goa, en Inde), la "compagnie" (société créée pour contrôler le trafic d'un produit), la "donation" (terrain octroyé -en général à un capitaine de vaisseau- avec mission de le mettre en valeur), ce sont les capitaines donataires des archipels de Madère et des Açores. Henrique meurt en 1460, mais l'élan est donné.
 

Les Grandes Découvertes. C'est sous le règne de João II , puis sous celui de Manuel Ier, tous deux petits-neveux de Henri le Navigateur, que vont avoir lieu les principales découvertes. Diego Cão atteint l'embouchure du Congo en 1482. Toute la côte angolaise devient possession portugaise. Et en 1488, Bartolomeu Dias dépasse le cap des Tempêtes, rebaptisé aussitôt "cap de Bonne Espérance" par le roi D. João II. 
          Quelques années plus tôt, Christophe Colomb, navigateur génois marié avec une portugaise, avait eu l'idée de gagner les Indes en partant vers l'Ouest. Refusée à Lisbonne, sa proposition devait conduire, en 1492, à la découverte du Nouveau Monde pour le compte des rois catholiques. En 1494, par le traité de Tordesillas et avec l'accord du pape, les souverains portugais et castillans se partagent les terres à découvrir au grand dam du roi de France qui écrit à João II : "Puisque vous et le roi d'Espagne avez décidé de vous partager le monde, je vous serais bien obligé de me communiquer la copie du testament de notre père Adam qui vous institue seuls légataires universels" ; à l'Ouest d'un méridien tracé à 370 lieues marines du Cap vert, les terres reviendront à la Castille, à l'est au Portugal. Le choix d'une telle ligne laisse supposer à certains historiens que les Portugais connaissaient l'existence du Brésil avant sa découverte officielle, en 1500, par Pedro Alvares Cabral
          L'exploration des côtes africaines continue : le 8 juillet 1497, une flotte de 4 navires dirigée par l'Amiral Vasco da Gama quitte Lisbonne avec mission d'atteindre les Indes en doublant le cap de Bonne Espérance. Vasco de Gama touche le Mozambique en mars 1498 et réussit à rallier Calicut le 20 mai : la route maritime des Indes est ouverte. Camões célèbre cette épopée dans les Lusiadas. 
          En 1501, Gaspar Corte Real arrive à Terre-Neuve , mais c'est l'Asie qui intéresse le roi D. Manuel. En quelques années, les Portugais explorent le littoral asiatique. En 1515, ils contrôlent l'océan indien, grâce à quelques places fortes comme Goa dont Afonso de Albuquerque s'était emparé en 1510, Damão et Diu. 
          Mais c'est pour le compte du roi d'Espagne que le portugais Fernão de Magalhães (Magellan) atteint les Indes par l'ouest (1519-1521). Il est assassiné aux Philippines par les indigènes, l'un de ses navires boucle cependant le premier tour du monde (1522). En 1517 le roi D. Manuel Ier avait essayé d'envoyer un ambassadeur en Chine, mais cette expédition avait été un échec et il faut attendre 1554 pour que les Portugais soient autorisés à commercer avec Canton. Ils commencent alors à fréquenter Macao. Quant au Japon, les Portugais y arrivent en 1543 et avec l'introduction des armes à feu bouleversent la politique. Les jésuites, dont la compagnie avait été fondée en 1540, y sont très actifs et en 1581 on y comptait près de 150000 chrétiens. 
 

Un bilan positif. Survenues dans la période troublée du Moyen Âge finissant, les Découvertes ont eu les plus importantes conséquences sur l'évolution du monde, à l'aube de la Renaissance. Dès le début du 16è s., le monopole du commerce avec les Indes, détenu jusque-là par les Arabes et les Turcs, passe aux mains des Portugais ; les centres commerciaux de la Méditerranée (Venise, Gênes) et de la Baltique (Lübeck) périclitent au profit des ports de l'Europe occidentale, en particulier Lisbonne ; les peuples nordiques viennent y échanger des armes, des céréales, de l'argent et du cuivre contre l'or et l'ivoire d'Afrique, les fameuses épices (poivre, cannelle, gingembre, clou de girofle) des Indes, les soieries de Chine, les tapis de Perse, mes métaux précieux de Sumatra. De nouveaux produits sont introduits en Europe (patate douce, maïs, tabac, cacao, indigo). L'or d'Afrique et d'Amérique afflue sur les rives du Tage. Le Portugal et l'Espagne accèdent au rang de grandes puissances tandis que les pays de l'Islam perdent de leur importance ; d'immenses empires coloniaux se constituent. La découverte de nouveaux pays, de nouvelles civilisations provoque des bouleversements dans l'histoire universelle dans tous les domaines : politique, économique mais aussi culturel et religieux. 
Le besoin d'une main d'oeuvre à bon marché entraîne le trafic du "bois d'ébène" qui amorce le peuplement noir en Amérique. 

extrait du Guide Michelin